vendredi 13 juillet 2012


 A NANTES
suite et fin


Puis nous avons changé de quartier. Mes activités d’architecte se passeraient dorénavant sur l’Erdre, dans l’antre flottant d’une ancienne librairie maritime et fluviale : « Au chaland qui passe ». La chanson nous poursuivait ! Conquis par cette façon « d’être dans la ville » l’architecte se mit à réfléchir  à un autre projet bien à lui. Le premier chaland remonta un peu plus haut sur le cours de l’Erdre pour une autre destinée et fut remplacé par celui qui dorénavant s’appellerait « Lola »  Par les fenêtres, je voyais passer, la nuit sous la pluie, de l’autre côté de l’Erdre, le ruban du tramway qui avalait ou répandait sur les gradins de ce « Quai des fantômes » (14) une jeunesse turbulente et joyeuse. Ces «nouvelles rivières» de voyageurs irriguent elles aussi la ville bâtie sur le fleuve.

Les embruns et le vent iodé nourrissaient notre besoin de mer et d’évasions lointaines. Il suffisait alors d’un horizon d’estuaire, de bars de « La marine » échoués avant d’atteindre l’océan et du dessin d’un verre de Muscadet tenu avec élégance « Dans ses doigts » (8) d’amoureuse pour se noyer quelques heures dans des littératures de bouts du monde.

Nos souvenirs sont des grains de sable dans le lit des fleuves. Certains soirs d’été, sur notre bateau échoué au bord d’une grève, la Loire ressemblait à un fleuve africain. Mais c’est en fredonnant « L’air de Londonderry » près du Sine Saloum Sénégalais, à l’ombre toute proche de l’ami disparu, que j’ai recueilli dans mes doigts ce « Grain de Pierre » (13) parmi les autres grains.

Des êtres nous quittent et leur beauté grandit longtemps encore après leur départ comme grandit longtemps l’ombre de ces marcheurs solitaires avant que le déclin du jour ne les noie dans la mystérieuse beauté des ténèbres. Ainsi, « Julien marche dans l’île » (15)

Chaque frisson de caresse du courant contre la rive nous rappelle ce long parcours du fleuve et nous invite à imaginer la suite de son voyage. Chaque goutte d’eau, sur son passage, est un mot parmi les milliers de mots d’un immense poème inachevé. Ainsi vont les palpitations de nos souvenirs au rythme de chacune de ces gouttes venues de si loin pour se perdre, comme des rêves trop lourds, au-delà des estuaires. Mais depuis la nuit des temps et pour l’éternité « La Loire est toujours là » (16)

On trouve notre dernier cd à la Fnac Nantes ou à Paridis Nantes ou sur notre péniche Lola 

                                                                                  Jean-François Salmon