vendredi 25 mars 2016



L’HISTOIRE D’UNE HISTOIRE DE CHANSON
« SUR LES COLLINES DE MANDCHOURIE »
Cette chanson a été écrite et composée par Illia Alekseivitch CHATROV (1879 – 1952). Issu d’une famille de petite bourgeoisie Russe il recevra une solide et brillante formation musicale à Varsovie en territoire russe à cette époque. Il est engagé en 1904 – 1905 dans le conflit russo-japonais en Manchourie. En février 1905, Port-Arthur est encerclé par les japonais. Seuls sept hommes du 214°Morkhansky exterminé par les nippons survivront au massacre dont Illia A. CHATROV. Il composera "Sur les collines de Mandchourie" en 1906 et la dédie à ses camarades morts pendant ce conflit. Cette valse est un succès immédiat. Elle va se répandre comme trainée de poudre dans tout l'Empire Russe. Illa A. Chatrov n'est âgé que de 27 ans. Il décède en 1952 après avoir connu et participé à la 1° et 2° guerre mondiale.
« URGA » Le film réalisé par Nikita Mikhalkov
Gombo, jeune éleveur mongol, vit avec sa famille dans la steppe en parfaite harmonie avec la nature. Un jour Sergueï, employé d'une entreprise russe dans la ville la plus proche, tombe en panne avec son camion. Gombo l'accueille dans sa yourte. L'amitié va naître et s'installer entre ces deux hommes que tout sépare. Pagma, la femme de Gombo, redoute de tomber à nouveau enceinte et d'enfreindre la loi chinoise. Gombo va en ville pour se procurer des préservatifs.
Dans le night-club de la ville les deux amis boivent beaucoup. Sergueï, les larmes aux yeux, se met à chanter torse nu sur une ­valse mélancolique et demande aux musiciens de l’accompagner en suivant la partition tatouée sur son dos. Cette valse c’est « Sur les collines de Manchourie »
Au cœur de cette steppe qui est la sienne, le Mongol esquisse des pas de danse...
« URGA » L’outil des éleveurs Mongols
Le mot «Urga » est étrange pour un grand nombre de personnes. Pour les uns, ce n’est qu’une longue perche avec un nœud coulant au bout avec laquel les bergers mongols attrapent les bêtes, mais pour un homme qui vit durant des siècles dans la steppe, « Urga » c’est le symbole, de la solitude et du pouvoir sur cet espace sans fin qu’est la steppe.
On dit que dans cet espace sans fin et sans arbre, lorsqu’un couple désire s’isoler et se cacher pour s’aimer loin du groupe, il s’éloigne au loin et plante l’«Urga » pour indiquer aux autres sa présence.
La « Chanson » en général ne serait elle pas une sorte d’ «Urga » planté dans nos grands espaces vides pour indiquer que sous le signal visible se cache tout l’amour du monde. 

« LA VALSE OUBLIEE » 
 
 
 
Inspiré et racontant  la scène du bal dans le film « Urga » de Nikita Mikhalkov: Sergueï, « ivre, les yeux mouillés… » chante « Les collines de Mandchourie » Jean-François Salmon a écrit sur la musique « La valse oubliée » Cette chanson a été enregistrée sur l’album : « Bien peu de choses » en 2000.

 

Au fond d’un bal
D’une ville oubliée
Ville d’escale
Au vent balayée
Sous l’horizon glacé 
Et dans ce bal
Aux néons fatigués
Où l’air trimbale
Un goût trafiqué
De bière et de fumée 
Barque sans toile
Ivre, les yeux mouillés
Vers les étoiles
Bleues des piliers
Vlady voulait chanter 
La, la, la, la, la… 
En titubant
Sur le parquet mouillé
En exhibant
Son corps débraillé
Aux musiciens figés 
Sous les lampions
Vlady leur fit jouer
La partition
Sur son dos tatoué
De la valse oubliée 
Alors le bal
Se remit à danser
Toute la salle
Se mit à chanter
Cette valse oubliée 
La, la, la, la, la…
 

 

vendredi 18 mars 2016


LES ANNEAUX DE LA MEMEOIRE
                           
J'ai écrit les paroles et la musique de cette chanson en 1996. Nous l'avons enregistrée deux fois: d'abord sur l'album "Descentes" en 1996 puis sur l'album "A Nantes" en 2012 accompagnée cette fois par le piano solo de Frédéric Renaudin. C'est cette version que je viens de mettre en ligne
Le 5 décembre 1992, l'exposition "Les Anneaux de la Mémoire" était inaugurée au Château des Ducs de Bretagne à Nantes. Cette manifestation accueillera plus de 400 000 visiteurs jusqu'en 1994. Le passé négrier de Nantes ne se cachait plus dans les silences de son histoire. 
 
 
Aux lobes des mémoires
S’accrochent des anneaux
Lourds comme lourds bois noirs
Des cales des bateaux
Nantes s’éveille au cœur
De traces effacées
De suints, de liqueurs
De parfums trépassés 
 
 
Ville tes oripeaux
Sous les quais de nos pas
Grouillent sous le clapot
Des chaînes de leurs pas 
 
 
Et dans Gorée la noire
Par la porte entrouverte
De l’ancien entonnoir
S’illumine l’eau verte
L’émeraude assassine
Mais l’encre des mémoires
Au soleil redessine
Le sang des marées noires 
 
 
Ville tes oripeaux
Sous les quais de nos pas
Grouillent sous le clapot
Des chaînes de leurs pas 
 
 
Nantes, lente dormante
La rue meurt de rumeurs
Et la honte te hante
Bourdonnante tumeur
Nantes tes eaux traînantes
Par les pores de ton port
S’exhalent bouillonnantes
Et l’encre s’évapore. 
 
 
Aux lobes des mémoires
S’accrochent des anneaux
Lourds comme lourds bois noirs
Les cales des bateaux
Nantes s’éveille au cœur
De traces effacées
De suints, de liqueurs
De parfums trépassés 
 
 
Ville tes oripeaux
Sous les quais de nos pas
Grouillent sous le clapot
Des chaînes de leurs pas
 


vendredi 11 mars 2016

 


Sérigraphie réalisée en 1991 par Jean-Luc Pellerin
 
NOTRE HISTOIRE D’AMOUR AVEC LE POETE TRISTAN CORBIERE 

C’était le vendredi 20 octobre 1967 à Nantes. Monique Morelli chante ce soir-là au café de l’Europe, place du Commerce, accompagnée par son fidèle accordéoniste et mari, Lino Léonardi. Le visage blanc et la voix cernés d’une chevelure noire à frange, le corps enveloppé d’un grand drap rouge de tragédienne, la chanteuse nous fait la totale : Pierre de Ronsard, François Villon, Aristide Bruant, Jacques Prévert, Pierre Mac Orlan, Louis Aragon, Francis Carco, Tristan Corbière. Pendant deux heures, Hélène a les yeux en larmes, se dit et me dit en sortant : « Voilà exactement ce que je veux faire »
C’est ainsi qu’eut lieu le grand choc qui venait confirmer que les grands poètes pouvaient devenir des auteurs magnifiques de chansons sous les notes de musiciens inspirés tels que Lino Léonardi.
Faute de mieux, je vais me mettre à balbutier quelques accords d’accordéon pour accompagner Hélène qui commence à s’imposer avec son immense talent et notre vie navigue entre tous ces grands poètes et leurs interprètes prestigieux tels que Léo Ferré, Catherine Sauvage, Yves Montand, Jacques Douai, et tant d’autres.
Sur notre étagère à vinyles, les 33 t de Monique Morelli s’entassent alphabétiquement entre ceux de Montand et ceux de Mouloudji.
Quelques années plus tard nous retrouvons Monique et Lino dans le cabaret de Charlotte et Lucien Gourong à Merlevenez où, nous-mêmes, sommes régulièrement programmés.
Plus tard encore, nous nous retrouvons sur la scène du Festival « Les Océanes » à Lorient où Lucien, grand maître des cérémonies, a imaginé de mettre sur scène sous le titre de « Voix de femmes » les trois chanteuses : Monique Morelli, Paule Chamard et Hélène.
A cette occasion nous nous rapprochons, sur scène bien sûr et au cours de ces moments si chaleureux des avants et après spectacles.
Une ombre continue à nous frôler et nous accompagner, celle de Tristan Corbière. Monique nous dévoile par sa voix et son interprétation cette suffocante poésie et Lino nous montre comment écrire de la musique sur ces mots-là.
Les années passent.
En 1991 nous créons notre Association «Ile de Ville » qui va se mobiliser pour nous aider à monter nos premiers projets. « A la pointe de l’île » dans le quartier du port de Nantes, nous décidons de  monter un petit chapiteau de cirque où, pendant une semaine, nous donnerons chaque soir, Hélène, moi et nos musiciens un spectacle dont la 1ère partie est consacrée aux « Amours Jaunes » de Tristan Corbière. Aurèle est déjà là et rencontre ses premières émotions de scène. A cette occasion un cd live « Ile de Ville » est enregistré. Ainsi va s’imprimer notre premier témoignage de cette relation que nous avons entamée depuis quelques années avec le poète de Roscoff.
De plus notre ami Jean-Luc Pellerin, architecte et peintre de très grand talent va réaliser à l’occasion de cet évènement, pour l’Association « Ile de Ville », un « portrait chinois » de Tristan Corbière.
 
Qu’est-ce qu’un “portrait chinois” ?
Un portrait chinois, c’est faire le tour d’une personne ou d’un couple, à partir de tableaux ou d’une œuvre complète d’un peintre, connus ou peu connus; comme le jeu: si c’était Picasso, Léger, Ingre, etc....?
C’est ainsi que Jean-Luc Pellerin s’est offert le plaisir d’interpréter  certains de ses amis ou couples d’amis célébrant ainsi l’affection qu’il leur portait.
A une exception près, cependant:
C’est dans le cadre des projets de l’Association “Ile de Ville” et à l’occasion du spectacle: “A la mémoire de Zulma” présenté en 1991 par le groupe d’Hélène et Jean-François, que Jean-Luc Pellerin a réalisé en sérigraphie un portrait chinois consacré à Tristan Corbière en choisissant certaines œuvres de peintres contemporains célèbres.
Au-delà de sa très grande admiration pour ce “poète maudit”, il est possible de jeter un autre regard sur cette œuvre particulière: L’interprétation de Tristan Corbière par Jean-Luc Pellerin n’est-elle pas tout simplement son propre autoportrait chinois?

Puis c’est en 1992 que nous entreprenons l’aventure de notre première « Descente de Loire en chanson » Nous ne savions pas alors que celle-ci durerait presque vingt ans. Chaque année, nous inventions des créations nouvelles et différentes plongées dans la poésie, la musique et les chansons.
C’est ainsi qu’en 2006 un « retour » à nos « amours jaunes » fut programmé. Aurèle avait grandi depuis le petit chapiteau du port et son talent avait suivi. Nous avons invité Etienne Boisdron, notre accordéoniste et Christophe Piot, batteur percussionniste à se joindre à nous. Pour que l’aventure soit totale nous avons convoqué le plus beau complice qu’il nous était possible d’accueillir : Bernard Meulien qui, en tant que comédien, portait haut et beau le personnage et la poésie de Tristan Corbière depuis de nombreuse années.
Profitant d’une riche et belle documentation concernant la vie et l’œuvre, courtes toutes les deux, de Corbière, nous avons proposé à chaque Commune d’accueil de disposer d’une exposition, devinant combien ce grand poète Breton pouvait être ignoré par les populations riveraines de notre circuit ligérien.
A cette occasion, Hélène, Jean-François, Aurèle, Etienne et Christophe ont réussi à enregistrer un cd des poèmes du spectacle mis en musique pour le proposer au public au cours de l’aventure.
C’est de ce cd qu’est extrait le poème « Epitaphe » mis en musique par Lino Léonardi, chanté par Aurèle et accompagné ici par l’unique crissement métallique de Christophe Piot.
 
Enregistrement live réalisé en 1992
 
Enregistrement studio réalisé en 2006
+
lien You Tube vers "Epitaphe"

 

 

vendredi 4 mars 2016

 
 
Voilà!
C'était la 17ème Descente de Loire en chanson. Un pur bonheur ! D'abord durant les quelques mois qui ont précédé l'aventure, consacrés aux répétitions à la péniche. Jean-Claude qui avait un mal fou à se libérer de sa boucherie - charcuterie pour "apprendre des chansons bretonnes" de Patrick et venir de son lointain Béarn, Bernard Meulien et Patrick Ewen qui n'avaient jamais chanté en Béarnais, Hélène et moi qui passions nos heures à "passer" le sel à tout ce beau monde-là. Et puis du 28 mai au 8 juin, toute cette aventure sur la Loire, chacun braillant ou susurrant ses chansons, ses histoires ou celles des autres convives de notre joyeuse tablée flottante. Ce qu'on ne voit pas sur l'affiche, car il n'était pas encore arrivé, c'est le magnifique jambon fourni par la Boucherie-Charcuterie Coudouy qui dura toute la tournée même après en avoir offert quelques tranches à notre cher public.  



mardi 1 mars 2016


UMBERTO ECO ET JEAN-CLAUDE COUDOUY
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Umberto Eco nous a quittés il y a quelques jours. Un superbe film diffusé hier sur Arte lui était consacré.
Jean-Claude Coudouy, personnalité de la Culture Béarnaise, conteur, chanteur, homme de scène et « accessoirement » (c’est-à-dire 24 heures sur 24 !) boucher-charcutier dans sa vallée d’Ossau, était un de nos grands amis depuis 45 ans. Il nous a quittés il y a quelques mois.
Umberto et Jean-Claude étaient ensemble au milieu de nous, hier soir et voilà pourquoi :
 
Umberto Eco dans son livre "Sei passeggiate nei boschi narrativi" « Six promenades dans les bois du roman et d’ailleurs » (2005) a découvert une petite distraction "toponymique" dans « Les trois mousquetaires » d’Alexandre Dumas.
Tous les mousquetaires vivaient dans le périmètre du quartier Saint-Sulpice (ou plus généralement "Faubourg St Germain", qui englobe ce quartier). La paroisse Saint-Sulpice était la paroisse des mousquetaires du roi.
Dans le roman d’Alexandre Dumas, D’Artagnan vivait «Rue Servandoni » qui, en réalité ne fut appelée ainsi qu’en 1806; Cette rue existait depuis 1425. Elle devint la rue du Fer à cheval en 1600 et rue des Fossoyeurs en 1620.
Jean-Nicolas Servandoni (1695 – 1766) est l’architecte du portail de l’église Saint- Sulpice. Il est né postérieurement à la période relative à l’histoire des trois Mousquetaires  qu’Alexandre Dumas fait commencer en 1625 donc à une époque où la rue Servandoni n’existait pas.
Dumas commença à publier les 3 mousquetaires en feuilletons, dans un journal parisien "le Siècle", en 1844, et ceci à destination d'un public plutôt populaire et parisien, et qui donc savait où se trouvait la rue Servandoni (mais pas forcément la rue des fossoyeurs) et pouvait donc "imaginer" et suivre les péripéties de D’Artagnan au travers d'une "géographie" de rues et de lieux qui leur soit familière car contemporaine.
C'est une bien modeste "liberté" que Dumas s'est permise là... 

Jean-Claude Coudouy, superbe conteur tant par son écriture que par sa joviale présence, présentait parmi les nombreuses histoires qu’il avait su inventer ou réécrire un « morceau de choix » comme le boucher qu’il était aurait pu dire.
Il s’agit de son fameux « Hilh de pute » qui, entre autre, lui permettait de décliner de multiples façons d’exprimer suivant les humeurs et les circonstances ce célèbre juron béarnais.
Parmi ces « circonstances » au cours de son histoire, il mettait en scène deux compagnons d’infortune, prisonniers des Allemands. L’un est plutôt pessimiste et l’autre,  malgré les circonstances voit les choses par le bon bout de la lorgnette.
Un jour arrive un colis destiné à l’un des deux. Il s’agit de victuailles envoyées du Béarn et que ce dernier détaille devant les yeux réjouis de ses amis prisonniers.
En particulier, se présente une bouteille de « Jurançon » A ce moment-là Jean-Claude regardait l’étiquette de la bouteille et avec un « Hilh de pute » admiratif déclarait : « 1947 !»
J’ai entendu cent fois cette histoire et à chaque fois, en pleine guerre 39 – 45, le Jurançon datait de 1947 ! Pendant très longtemps je n’ai pas voulu en faire la remarque à Jean-Claude et son public ne semblait pas dérangé par cette « distraction » suivant l’expression d’Umberto Eco à propos d’Alexandre Dumas.
Etait-ce, de la part de Jean-Claude, volontaire ou involontaire ?
Comme le public d’Alexandre Dumas savait où se trouvait la rue Servandoni mais pas forcément la rue des fossoyeurs, le public de Jean-Claude Coudouy savait la réputation des vins blancs de 1947 et en particulier des Jurançons et pas forcément celle des années précédant la Guerre (Les récoltes de 1935, 36, 37, 38 ? ne sont pas restées, semble-t-il, dans les mémoires)

Voilà ! Voilà pourquoi la jovialité d’Umberto Eco et celle de Jean-Claude Coudouy se sont retrouvées hier soir chez nous. Ils sont tous les deux là-haut, sans doute dans le quartier des raconteurs d’histoires qui se situe approximativement entre la rue  Servandoni à Paris et la rue du Bourguet à Laruns. Là-haut, Alexandre Dumas les y attendait depuis quelques années déjà.